par Patrick de LUCA | Février 2021
Preuve de l’existence d’un océan
Certains spécialistes de Mars considèrent comme peu probable qu’un océan ait existé sur cette planète dans la première partie de son existence.
Nous allons voir, à la lueur des faits, que l’on peut douter de cette opinion et qu’il existe de forts arguments pour affirmer le contraire
les raz de marée ou tsunamis
Sur Terre, après un tremblement de terre (ou séisme) dont l’épicentre se trouve en mer, ou à la suite d’un glissement de terrain sous-marin, se produit sur les côtes un raz de marée (ou tsunami, terme japonais). L’importance de celui-ci dépend du volume de croûte terrestre déplacé dans les fonds marins. Bien sûr l’eau qui est au-dessus se déplace également, vers le haut ou vers le bas, ce qui engendre un train d’ondes océaniques, c’est à dire des vagues dont la hauteur diminue avec la distance. (image ci-contre).
Une autre source de tsunami, heureusement beaucoup plus rare, est représentée par l’impact d’un astéroïde en milieu océanique. C’est ce qui s’est passé il y a 66 Ma (millions d’années) dans une région qui est aujourd’hui le Mexique. On estime que la magnitude du séisme atteignait 10 à 11,5, soit beaucoup plus que le plus important des séismes terrestres qui dépassait de peu la magnitude 9 (l’énergie d’un séisme de magnitude 10 représente 30 fois celle d’un séisme de magnitude 9).
La mer était peu profonde (environ 200 m) à Chicxulub 1 et l’impact n’a pas provoqué de tsunami gigantesque. On a cependant retrouvé des dépôts générés par le séisme tout autour du golfe du Mexique comme le montre la figure de gauche, extraite de la publication de Joanne Bourgeois qui date de 1988, soit des années avant la découverte du cratère de Chicxulub.
ET SUR MARS ?
Si nous observions sur la planète des dépôts laissés par des tsunamis, c’est bien sûr qu’il y aurait-eu un océan. Où le chercher ? Regardons le relief martien :
Au sud les altitudes sont plus fortes (orange et rouge) qu’au nord où elles sont plus faibles (vert et bleu). Nous savons par ailleurs que de l’eau a coulé autrefois à la surface de Mars, comme l’attestent les vallées de débâcle, les réseaux hydrographiques ramifiés et les deltas dans les lacs. Puisque l’hémisphère nord est situé plus bas que l’hémisphère sud, l’eau s’y serait donc accumulée en formant un océan. Ce dernier aurait-il persisté longtemps ? c’est difficile à dire. Selon certains spécialistes deux rivages situés à des altitudes différentes auraient été reconnus (figure ci-contre).
Le plus haut de ces rivages, qui est déformé, serait le plus ancien et correspondrait à l’océan le plus étendu. Le plus récent était de plus petite taille, peut-être en partie recouvert de glace et se serait formé alors que Mars avait commencé à se refroidir. Il est frappant de constater que les traces de ces rivages sont en grande partie effacées et que ce sont des ruptures de pente qui, pour l’essentiel, permettent de les suivre.
Jusqu’à présent nous n’avons pas de preuve formelle de l’existence d’Oceanus Borealis, ainsi qu’il a été baptisé. Les mesures des pentes dans les plaines du nord ont montré qu’elles étaient très faibles, de même valeur que celles des plaines abyssales au fond des océans terrestres. Une image qui représente une partie de ces plaines a été interprétée par J.-B. Murray et al. en 2005 comme représentant une banquise fracturée recouverte de poussières dérivant sur un océan (figure ci-contre).
Y avait-t-il de grands séismes d’origine interne il y a 3,5 Ga (milliards d’années) susceptibles de provoquer des tsunamis ? nous n’en savons rien. Par contre il y avait à cette époque un bombardement météoritique encore important et des astéroïdes ont pu tomber dans l’océan s’il existait, provoquant ainsi des raz de marée.
Rapprochons-nous de ce qui est considéré comme étant un rivage de l’océan martien. Que nous disent les images ?
Sur celle visible ci-dessous on remarque des lobes grisâtres ponctués de taches qui indiquent la direction de l’écoulement et qui recouvrent des terrains plus clairs. Ils pourraient être interprétés comme le front d’une coulée de lave… s’ils ne remontaient pas les pentes. Cette remontée nécessite une certaine énergie qui pourrait-être celle fournie par un tsunami.
Ces dépôts qui remontent les pentes pourraient être une explication du fait qu’on a du mal à reconnaître les rivages d’Oceanus Borealis. Sur Terre, après un raz de marée, la mer retrouve sa place et les traces du tsunami sont recouvertes par la végétation et les œuvres humaines ou sont érodées. Seuls les géologues retrouvent ces traces qui sont parfois très discrètes, surtout si les tsunamis sont anciens.
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer un tel raz de marée ? Nous ne savons pas grand-chose sur l’activité sismique de Mars, sinon qu’elle est semble-t-il très réduite aujourd’hui comme le montre le sismomètre SEIS d’Insight. Était-elle plus importante autrefois ? probablement. Mais à l’emplacement présumé de l’océan les déformations ne sont pas légions. Alors il reste les impacts d’astéroïdes.
Mais encore faut-il trouver au moins un cratère dans les basses plaines du nord qui présente les caractéristiques d’un impact en milieu océanique. Costard et al. ont étudié en 2019 plusieurs d’entre eux et ont formulé l’hypothèse que le cratère Lomonosov répondait à ces critères (figure ci-contre).
Ce cratère de 120 km de diamètre possède un large rempart et un pic central très peu développé qui sont deux des caractéristiques des cratères formés en milieu marin. Son âge de 3 Ga est le même que celui des terrains interprétés comme ayant été transportés par le tsunami. C’est donc un bon candidat ou, devrait-on dire, un bon coupable.
CONCLUSION
Jusqu’à ce que de nouvelles recherches proposent de nouvelles hypothèses, celles-ci paraissent assez raisonnables.
Un tsunami aurait donc déferlé sur les côtes d’un océan martien à la suite de l’impact d’un astéroïde dans cet océan.
PS : ceux qui seraient intéressés par les articles (en anglais) qui m’ont permis de faire ce résumé peuvent me les demander.