Détection radio pour en savoir plus

Le procédé est assez simple à comprendre, et peut se comparer à quelque chose que nous connaissons tous : les radars de vitesse au bord des routes. Évidemment, dans la pratique c’est un peu plus compliqué que cela.

Le principe de fonctionnement : le RADAR “graves

Tout d’abord précisons que GRAVES est un acronyme pour “Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale”. Comme le précise la page wikipédia consacrée à ce radar, ce dispositif a pour principal but de “détecter les satellites évoluant en orbite terrestre basse, [le radar GRAVES a été] développé par l’ONERA sous contrat de la Délégation Générale pour l’Armement et dont la fonction est de surveiller les véhicules spatiaux évoluant dans des orbites proche de la Terre“. Il s’agit donc d’un dispositif militaire de surveillance du ciel dont le récepteur se trouve sur le plateau d’Albion à environ 360 km plus au sud de l’émetteur, quasiment sur le même méridien (0,02° d’écart de longitude).

Le principe est comparable à l’écholocalisation 1 que les chauves-souris utilisent pour chasser leurs proies, ou certains bateaux qui sondent les fonds marins. En Europe, et plus particulièrement en France, nous pouvons profiter d’une source d’onde radio qui émet un signal (une porteuse) qui peut être réceptionné par n’importe quelle antenne écoutant sur la bonne longueur d’onde.

Le site d’émission de l’onde se trouve sur une ancienne base aérienne à Broye-les-Pesmes 2 . La fréquence radio est fixée à 143,05 Mhz, au-delà de la bande FM qui court de 87,5 à 108 MHz. Cette fréquence ne peut donc être reçue par les postes FM . Comme le précise le site de l’ANFR 3, elle se trouve entre les fréquences 138 et 144 Mhz utilisées par le ministère de la défense française dans l’aéronautique.

Fréquences des 138-144 MHz
Radar de Broye-lès-Pesmes non loin de Dijon – J-L Rault. La surface jaune représente la zone de détection – les noms en vert sont les antennes radio-détections du réseau FRIPON – le triangle orange : plateau d’albion
https://normanlockyer.com/the-observatory/lockyer-technology-centre/detecting-meteors/

Nous utilisons donc une source radio militaire pour détecter les météores 4. Le détail de toutes les fréquences françaises est consultable sur cette page.

Il faut donc utiliser un matériel spécifique capable de détecter cette fréquence.

Le principe est donc assez simple :

  • Un météore est produit dans l’atmosphère terrestre par l’entrée d’un corps venant de l’espace
  • il va créer une perturbation sur son passage (le trait lumineux des étoiles filantes), l’air est alors ionisé 5  , un plasma 6 est généré.
  • cette perturbation est hermétique aux ondes du radar et va donc les renvoyer
  • l’écho-radar qui en résulte arrive jusqu’aux antennes des radioastronomes : c’est la détection du météoroïde pénétrant l’atmosphère

Vous aurez donc compris que plus l’interaction du météoroïde 7 avec l’atmosphère est importante plus la détection le sera aussi.

crédit : http://www.ars-electromagnetica.de/robs/

Comment se manifeste la détection d’un météore sur un écran d’ordinateur ?

A l’échelle des petites stations de réception amateures, le signal radio reçu ne permet pas de dire dans quelle direction le bolide se déplace, ou de faire des mesures précises de distance et de vitesse,  car la station qui reçoit l’écho ne se trouve pas au même endroit que la source (GRAVES), ce qui engendre une différence de distances et donc du temps de parcours du signal entre l’émission et la réception. De plus, il faudrait que les bolides arrivent systématiquement “de face”, idéalement en parallèle au plan de propagation des ondes (“plane of reflection” sur le schéma ci-dessus), pour que la mesure de la vitesse soit effective .

Cependant, comme le montre les deux exemples suivants nous pouvons lire la “force” du signal en décibels (dB) et la durée de détection en secondes. Ces résultats sont à ce stade, très pertinents. Chaque colonne représente un bolide différent avec sa signature audio. Le bolide de gauche a été détecté le 27 Juillet 2020 à 00 h 04 min (UTC +2:00), et le bolide de droite, quand à lui, a été détecté le 17 Août 2020 à 4 h 34 min (UTC +2:00).

echo-radar d’un bolide d’un peu plus de 10 secondes sur la porteuse 143,050 Mhz par H CHOPLIN (SAT)
Le même bolide détecté par D Deneuchatel (SAT)

Autre echo-radar d’un bolide d’un peu plus de 20 secondes par H CHOPLIN (SAT)
détection : D Deneuchatel (SAT)
détection : J-L Gouzien (SAT)

Qu’apporte la radioastronomie par rapport à la détection visuelle par caméra ?

Le principal intérêt de ce dispositif est d’être transparent aux conditions météo, et au cycle journalier:

  • Les bolides et étoiles filantes peuvent être détectés même avec une couverture nuageuse.
  • Les détection peuvent se faire aussi bien de jour comme de nuit.
  • La détection est possible hors champ des réseaux de caméras.

Cependant, la foudre qui est également un plasma ainsi que les avions sur lesquels “rebondissent” les ondes radio, le passage de l’ISS 8, sont détectés par les radioastronomes. Il faut donc savoir “lire” une détection afin de faire le tri entre les phénomènes terrestres et extraterrestres.

La radioastronomie, dans le domaine de la détection des météores, est un très bon complément au réseau de surveillance visuel FRIPON https://www.fripon.org/?lang=fr. De plus un comptage exhaustif (le nombre réel) des petits débris pénétrant l’atmosphère terrestre peut être réalisé. Ce nombre dépasse de loin plusieurs milliers de détections mensuelles au-dessus de la région Centre et potentiellement plusieurs dizaines de milliers sur l’ensemble du territoire français.  Un extrapolation peut être réalisée afin de rapporter cette quantité sur l’ensemble de la Terre, c’est alors une véritable pluie de petits corps célestes qui tombent sans interruption.

Une étoile filante n’est jamais guère plus grosse qu’un petit caillou de quelques millimètres à quelques centimètres, 2 à 3 cm tout au plus dans 99% des cas. Pourtant, l’estimation qui est faite représente environ 100 000 à 200 000 tonnes annuelles. Bien que ce nombre paraisse impressionnant, il faut faire un ratio ramené à la superficie de la Terre qui est de 510 000 000 de km², ce qui donne (pour 200 000 tonnes) environ 400g/km²/an, dont 70% finit au fond des océans, des mers et des étendues d’eau. Cela représente tout de même quelques microgrammes de poussières extraterrestres sur votre toit tous les ans.